L’élection du gouverneur de Tokyo avait valeur de test national. Trois ans après Fukushima, les électeurs ont choisi le candidat conservateur et ancien ministre de la santé et du travail Masuzoe Yoichi. Dans un vote focalisé sur les questions énergétiques et le nucléaire, les tokyoïtes ont décidé de faire confiance au candidat du gouvernement actuel. Mais si Masuzoe n’est pas un farouche militant anti-nucléaire, il défend pourtant une politique verte.
Un scrutin à valeur de test pour le gouvernement japonais
Le gouverneur de Tokyo est l’un des politiciens les plus importants du Japon. A la tête d’une agglomération de 32 millions d’habitants, le cœur économique de l’archipel, il dispose de larges prérogatives en matière d’économie et de services publics. C’est dire si le gouvernement désirait ardemment gagner cette élection. Car depuis peu, le gouverneur de Tokyo a acquis de nouvelles compétences. En effet, suite à l’accident nucléaire de Fukushima, le gouvernement central a décidé de nationaliser Tokyo Electric Power (TEPCO), en confiant la majeure partie de ses actions à la préfecture. Le gouverneur est, de facto, l’homme qui décide de l’avenir de TEPCO. Il était donc vital pour le Premier ministre que ce gouverneur reste en ligne avec sa politique nationale de relance progressive des réacteurs nucléaires. Les électeurs ont validé cette stratégie, tout en confirmant leur souhait de sortir du nucléaire à horizon 2030. Un an après son retour au pouvoir, Abe Shinzo parvient effectivement à garder la confiance des électeurs de la capitale japonaise. Ce scrutin a prouvé l’acceptation populaire de sa stratégie économique.
La dispersion du front anti-nucléaire
Abe Shinzo était inquiet. L’opposition organisait une véritable mobilisation autour de l’enjeu nucléaire. Le challenger le plus sérieux fut Hosokawa Mohirino, un ancien premier ministre de gauche. Celui-ci a brièvement gouverné le Japon de 1993 à 1994, à la tête d’une coalition hétéroclite qui priva temporairement les conservateurs du pouvoir qu’ils occupaient sans alternance depuis 1955. Le ralliement surprise de Koizumi Junichiro, ancien premier ministre conservateur devenu anti-nucléaire, a suscité de grandes craintes au sein du gouvernement. Shinzo Abe redoutait que cette union ne fasse basculer le scrutin contre son candidat. Mais vingt ans après, à 76 ans, Hosokawa a perdu de son aura. D’autres candidats militaient également pour la même cause, comme le candidat du parti communiste et célèbre avocat Utsunomiya Kenji. Cela a provoqué une dispersion de voix. Au total, ce sont 15 candidats qui ont affronté sans succès Yoichi Masuzoe.
Les problématiques économiques et sociales au cœur des préoccupations des tokyoïtes
Les leçons du scrutin sont nombreuses. L’abstention forte, alimentée par la tempête de neige qui cloue des milliers d’habitants chez eux, associée à la dispersion des voix a permis l’élection d’un candidat conservateur. Le sondage à la sortie des urnes fait par la télévision publique NHK a montré que les électeurs ont été principalement motivés par les questions économiques et sociales. Après quinze ans de déflation, la population souhaite voir la machine économique repartir. Mais le rôle du gouverneur sera aussi d’organiser les Jeux Olympiques de 2020, symbole d’un retour du Japon sur la scène internationale après deux décennies économiques de marasme. C’est vers ce symbole que les électeurs semblent s’être tournés. Masuzoe Yoichi a d’ailleurs annoncé se rendre à la cérémonie de clôture des Jeux de Sotchi le 23 février, pour montrer son engagement à mener à bien le plus grand projet international du Japon.
Un vainqueur plus vert qu’il n’y paraît
Si les antinucléaires ont perdu en apparence, leur discours gagne en importance. A peine élu, Masuzoe Yoichi a déclaré souhaiter réduire la part du nucléaire dans la consommation électrique de Tokyo et soutenir les énergies renouvelables. Le 17 février, il a lancé un plan d’investissement public-privé de 10 milliards de Yen (80 millions d’euros) dans les énergies renouvelables, confirmant son engagement d’atteindre 20% d’énergies renouvelables à Tokyo en 2020. Malgré son positionnement politique à droite, il confirme bien la tendance de son parti à reconsidérer sérieusement l’option nucléaire et à investir vigoureusement dans les énergies renouvelables. A lui de réussir la synthèse entre relance économique, transition énergétique et jeux olympiques.
Matthias Bardon, diplômé de l’IEP de Paris –
Crédit photo : Taro Tokyo
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