Entre coup de gueule et coup de coeur, une étudiante alsacienne nous fait partager, à travers une anecdote loin d’être anodine, sa vision de la culture régionale et plus particulièrement de la deuxième langue autochtone parlée en France : « l’Elsässisch ».
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Langue(s) française(s)
Nuit noire, calme apparent, seuls quelques rares bruits de moteurs parviennent à briser l’épais silence qui règne désormais sur la ville. A l’intérieur de l’un des bus qui circule encore, quelques passagers, une ambiance paisible et deux hommes qui discutent en Alsacien. Les arrêts défilent et déjà de nouveaux passagers font leur apparition.
Les deux hommes continuent de converser, quand soudain un cinglant « On est en France, on parle français » brise la quiétude à laquelle nous étions habitués. Surprise, stupeur, les regards jusque là endormis se ravivent. La tension monte, mon dégoût aussi.
J’ai toujours été bercée dans cette culture particulière, où l’on passe du français au dialecte, sans sourciller.
Je n’ai jamais connu cette France « de l’intérieur », comme on dit par chez nous, où l’on ne parle que le français. J’ai toujours été bercée dans cette culture particulière, où l’on passe d’une langue à l’autre, du français au dialecte, sans sourciller, sans se poser la moindre question. J’ai toujours connu ces vieillards à qui on ne s’adresse qu’en dialecte, ces adultes hilares se racontant blagues ou jeux de mots dans cette autre langue.
Et pourtant. Mes parents sont de ceux à qui on a interdit de parler le dialecte avec leurs camarades à l’école, dès leur plus jeune âge. Cette langue qui était pourtant celle dans laquelle ils avaient prononcé leurs premiers mots. Ma génération est celle qui ne parle plus ou quasiment plus cette langue, mais qui la comprend encore parfois. Ce dialecte et tous les dialectes en général se perdent, par manque de pratique, par perte d’habitude, par désintérêt, parfois aussi.
Cette langue est une richesse, un patrimoine exceptionnel, mais un héritage qui se perd, comme de l’or qui file entre nos doigts. Est-ce que pour autant parler un dialecte signifie revendiquer un quelconque indépendantisme ? Est-ce que pour autant parler un dialecte signifie être un français de bas étage ? Je n’en crois rien. La richesse de la langue française passe aussi, et surtout, par l’existence et la persistance de ces langues et expressions régionales.
Car oui, nombreux sont les dialectes et particularismes régionaux. Chanceux que vous êtes, à l’IEP vous aurez la chance d’en découvrir un peu plus tous les jours. Toujours, j’en suis certaine, vous esquisserez un sourire quand un alsacien surpris s’exclamera en un « oyéééééé » bien bruyant ou quand on vous proposera un « schluck » de bière en soirée. Quand un ch’ti vous dira que « ça drache ». Quand un charentais vous dira qu’après la pluie, les « cagouilles » sont de sortie. Quand un marseillais vous parlera de ses « collègues » et vous sortira « Oh fan ! ». Quand un toulousain vous racontera le « soufflon » qu’il se sera pris la veille. Et j’en passe…
Regardez autour de vous en amphi. Des visages, encore des visages, certains connus, catalogués, d’autres encore inconnus. Un fabuleux mélange d’horizons différents, d’accents d’un peu partout, d’expressions étranges, d’histoires personnelles et de souvenirs d’enfance. Renonceriez-vous à votre dialecte, à vos expressions, à votre héritage culturel sous prétexte que nous sommes en France et qu’il faille parler français ?
Ce soir là j’ai pris conscience que j’avais un grand regret, celui de ne pas parler le dialecte.
Si oui, ce serait, je le pense, céder à l’uniformité, à ce désir de certains de nous imposer ce que nous ne sommes pas. Car certains mènent encore aujourd’hui cette sorte de xénophobie intérieure, cette haine du français différent, de celui qui n’est pas tout à fait conforme à tous les autres. L’homme du bus a demandé à celui qui parlait l’alsacien : « Alors, tu vas aller traire tes vaches en rentrant ? ». Parce que selon lui, parler l’alsacien, c’est n’être qu’un paysan. Vous savez-quoi ? Ce soir là j’ai pris conscience que j’avais un grand regret, celui de ne pas parler le dialecte.
Floriane Kunder, 2A, Propos – Sciences Po Strasbourg
Il est assurément regrettable que certains ne voient pas toute la richesse apportée à notre patrimoine culturel par les langues régionales… mais reconnaissez qu’il s’agit-là d’un cas isolé et, surtout, absolument pas représentatif de la tendance générale à l’oeuvre sur ces questions-là, tendance impulsée en l’occurrence par le bloc institutionnel. Partout en France, les langues et patois régionaux sont activement promus, leur enseignement est en essor ; regardez la Bretagne et ses écoles Diwan, Toulouse et ses stations de métro en occitan, etc. Qu’il s’agisse d’une bonne ou d’une mauvaise chose, je n’en sais rien ; simplement il conviendrait tout de même de ne pas avoir « une lutte antijacobine de retard », si je puis me permettre.
Le vrai jacobinisme en 2010, il est à Bruxelles. Et il a tout intérêt, pour des raisons évidentes, à promouvoir un maximum toutes les particularités régionales, ce dont il ne se prive d’ailleurs pas, cf.
Jacobinisme qui a des raisons évidentes de promouvoir les particularités régionales.
Je ne suis pas certain de saisir…
Moi non plus.
J’hésite entre le troll pur et simple et l’anti-européisme primaire et halluciné. Avec, on le sent, une légère facilité pour déraper vers le conspirationnisme.
Figure de toute beauté, beaucoup de style, 9,5/10.
cf. la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, pardon.
A noter que la France a signé cette fameuse Charte le 7 mai 1999, mais ne l’a toujours pas ratifiée…
Tous les engagements prévus dans la Charte sont donc restés lettre morte au niveau français, bien que puissent exister des initiatives pour la sauvegarde et la promotion des langues régionales.
Je ne vois pas ce que ça a de jacobin, du coup… A part si tu veux dire que l’UE est un super-Etat centralisant les pouvoirs de plusieurs Etats et que tu la compares à l’Etat français centralisant les pouvoirs des régions.
Floriane, ton article est touchant et je suis tout à fait d’accord avec toi sur le fait qu’on devrait être libre en France de parler des dialectes. Si ça peut faire avancer le débat, j’aimerais faire référence au livre de Bourdieu, « Ce que parler veut dire ». Il rapelle que la langue est une question de pouvoir et que toute langue officielle a partie liée avec l’Etat. C’est parce que le Français était la langue de l’élite que les langues régionales ont été socialement dévaluées, c’est parce que l’Etat français s’est constitué que le Français s’est imposé (notamment au travers de l’unification du marché scolaire et du marché du travail). Pour Bourdieu il existe donc un marché linguistique où les langues régionales n’ont plus aucune valeur, sur aucun des marchés précités. C’est pour cette raison qu’il ne serait pas d’accord avec toi quand tu nies la revendication indépendantiste (même inconsciente) qu’il y a derrière le fait de parler patois. Il écrit : « Ceux qui veulent défendre un capital linguistique menacé, comme aujourd’hui en France la connaissance des langues anciennes, sont condamnés à une lutte totale : on ne peut sauver la valeur de la compétence qu’à condition de sauver le marché, c’est-à-dire l’ensemble des conditions politiques et sociales de production des producteurs-consommateurs ». Ce n’est peut-être pas limpide comme phrase mais l’idée est que les langues régionales sont vouées à disparaitre puisqu’à part leur valeur intrinsèque, si tant est qu’une telle chose existe, elles ne valent plus rien au sens où elles ne permettent pas d’accéder à un quelconque capital. Et c’est en cela que les langues régionales se distinguent peut-être du latin ou du grec ancien, qui sont encore des langues prisées par l’élite.
Quant à la question de l’intolérance linguistique, je pense qu’on peut l’actualiser en l’étendant aux langues des immigrés. J’entends souvent des gens se plaidnre que certains Français parlent arabe entre eux. Pourquoi n’auraient-ils pas le droit de parler une de leurs langues maternelles du moment qu’ils savent aussi parler français et qu’ils utilisent le français quand ils ont affaire avec les organes de l’Etat ? On touche ici la frontière entre le privé et le public. Certes, la rue est publique, mais on peut y parler en privé et pas seulement à des agents de l’Etat.
Techniquement, l’Alsacien est une langue. Ou un dialecte allemand, tout de même riche de beaucoup de spécificités.
Enfin, il serait bon de sortir du mot « dialecte » (déjà mieux que patois), qui hors de la classification linguistique ne sert à rien sinon à établir une hiérarchie entre langues, ce qui met à mal leur conservation.
Je suis scandalisé par cet article! Floriane, comment peux-tu oublier le patois angevin? Ahlala, vraiment tout se perd.
Allez c’est parti:
« Ouh lui faut pas trop l’équenier, y pourrait ben t’ratiboiser l’papo, ou dam (le dam est très important)pense dont.
Allez rente dont à la maison boire un coup de citte, et pis tu vois po que le temps s’abernaudit, y va cheuiller un arnampé, fitgoch (le « fitgoch » est aussi essentiel pour dire « pardi », l’origine de ce mot est fort peu noble).
uqbwtk