Georges Frêche était un bon client. Sous leur dehors de vierges effarouchées, les médias parisiens ont apprécié les saillis du volubile montpelliérain, tout simplement parce que le scandale fait vendre, et à peu de frais. Combien d’heures de travail sur la « tête pas catholique de Laurent Fabius » ? Combien de temps passé sur la « sous-humanité des harkis » ? Le journaliste fait un bref rappel des « dérapages » de Georges Frêche, évoque trois ou quatre réactions indignées, l’accuse de populisme et/ou de cynisme et l’article est bouclé. Peu importe que la phrase soit tronquée, hors contexte, tordue, cela fait vendre.
Pourtant, on pourrait se demander qui est le plus nocif pour la démocratie, les jugements de Georges Frêche, « Le Pen de gauche » selon the Independent ou le traitement qui en est fait? Je marche sur des œufs tant il est de bon ton en ce moment, chez les politiques, d’attaquer les journalistes de manière frontale. En 2007, Bayrou avait chargé TF1, aujourd’hui, Mélenchon critique le système médiatique en bloc, Montebourg attaque « la télé de la droite, la télé du fric, des idées qui détruisent la France », les sarkozystes se disent victimes des obsessions de Médiapart et du Monde… Toute cette offensive est cependant de peu de valeur car profondément partisane, de la part des uns et des autres. Je ne me place évidemment pas dans cette optique.
En dégainant à tout bout de champ les accusations de racisme ou d’antisémitisme, le système médiatique appauvrit le débat.
Mon propos est plus simplement de comparer l’impact intellectuel et explicatif voir réflexif des positions de Georges Frêche et celui de leur traitement médiatique. En somme, qui fait « le plus de mal » à la démocratie? Quand le cador de Septimanie avait évoqué le nombre trop élevé de noirs en équipe de France, il y eut tollé. A droite, comme à gauche, le racisme de Frêche a été dénoncé avec vigueur. C’est peut-être cette dénonciation que l’on peut qualifier de populiste, plus que le propos de Georges Frêche, somme toute assez anodin pour qui fréquente les cafés les soirs de match ((On peut même penser, mais c’est peut-être tiré par les cheveux ou raciste, que cette observation aurait pu laisser deviner le divorce entre les spectateurs et une équipe de stars qui ne leur ressemblent pas au mondial 2010, qui sait ?)). En dégainant à tout bout de champ les accusations de racisme, d’antisémitisme ou encore de xénophobie, le système médiatique appauvrit clairement le débat. Et on pourrait l’accuser, pour le coup, de prendre les gens pour « des cons » ((« Des gens intelligents, il y en à 5 ou 6%. Moi, je fais campagne pour les cons. » G. Frêche)).
Ainsi, comment rester crédible quand on porte la même accusation d’antisémitisme contre Georges Frêche moquant « la tête peu catholique de Fabius » et contre Youssouf Fofana qui a fait subir le martyr jusqu’à la mort à Ilan Halimi parce que juif donc riche ? La même accusation pour une boutade et un meurtre. Et de fait, ce n’est pas le populisme de Frêche qui semble dangereux mais bien la réaction médiatique bien-pensante, qui se drape dans une dignité auto-décernée pour distribuer bons et mauvais points. D’ailleurs, qui n’a jamais entendu quelqu’un dans son entourage décrier le fait que « de toute façon, pour les juifs ont en fait trop ». Ce type d’argument est monnaie courante surtout chez les personnes qui s’intéressent de près ou de loin au conflit en Israël, et penchent plutôt du côté des palestiniens.
Au final, les boutades de Frêche ne sont sans doute pas grand chose, un peu lourde sans doute, mais ni méchantes, ni nocives. A mon sens, le ramdam effectué autour l’est bien plus, tout comme les émissions où les « auditeurs ont la parole » sur RTL ou chez Morandini sur Europe1, émission où l’on entend n’importe quoi, sur des sujets autrement plus sérieux, sans aucune contextualisation, ni aucun recul. Les boutades de Frêche sont éminemment plus sympathiques que la logorrhée de Besancenot, sans aucun argument qui ne soit ni fallacieux, ni fantaisistes. Mais là sont les vrais populistes et il est plus simple de disqualifier d’un mot magique plutôt que de construire un argumentaire long et laborieux, au risque de passer pour un « intellectuel barbant», ce qu’est censé abhorrer le pékin de base. Et ça, n’est-ce pas du populisme ?
Isaac van Poperinghe – Sciences Po Strasbourg ((L’opinion développée n’engage que son auteur et non pas la rédaction.))
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