Longtemps l’un des grands leaders de l’Europe, Le Royaume-Uni semble l’abandonner doucement mais sûrement, tournant une page de 1000 ans d’histoire.
Depuis toujours le Royaume-Uni voit en l’Europe souvent une opportunité, notamment économique, parfois une menace. Éléments incontournables du destin de notre continent, les Britanniques étaient ouverts non seulement sur ce qui ce passait à Londres mais également dans le reste de l’Europe.
Aujourd’hui, cette Europe reste le premier marché à l’exportation britannique, les clubs de football se revendiquent haut et fort européens et viennent régulièrement mettre la pâtée aux clubs français (ceci est néanmoins une autre histoire). Cependant, être en Europe n’a jamais eu aussi peu de sens au pays de sa Gracieuse Majesté qu’aujourd’hui.
Si l’on devait essayer de se faire un schéma pour se représenter la vision du monde des Britanniques, on aurait Londres et son opulente City au premier plan, les Etats-Unis au second et quelques restes du Commonwealth au fond, et encore. Par contre, la France, l’Italie ou l’Allemagne, certainement pas.
Comment expliquer une telle situation ? Certains rappelleront que le Royaume-Uni est et a toujours été une île, ceci entraînant de ce fait une mentalité isolationniste pleurant encore sur son empire perdu, mais cela n’est pas satisfaisant.
Tout d’abord, il faut se pencher sur le rôle de l’Union Européenne. C’est un lieu commun de dire qu’elle n’est pas portée dans les cœurs d’outre-Manche même s’ils ont voulu rejoindre la CEE malgré les troncs de baobabs que de Gaulle leur a mis dans les roues. Si cette Union savait afficher des volontés beaucoup plus claires, l’euroscepticisme pourrait être réduit significativement dans ce pays. Mais il est évident que ce n’est pas avec le gouvernement Cameron/Clegg ouvertement anti-européen, à commencer par le ministre aux affaires étrangères actuel, un comble, que les choses vont évoluer sur ce plan.
Néanmoins, il est intéressant de voir que le désengagement européen de la Grande-Bretagne s’est fait majoritairement en-dehors de la croissance de la puissance bruxelloise même si celle-ci ne correspond pas forcément à la vision purement comptable de la perfide Albion qui préfèrerait un espace de libre-échange profitable aux produits britanniques. On peut entendre depuis peu de l’autre côté du Channel une explication replaçant ce mouvement britannique dans un contexte de changement culturel impulsé par les nouveaux médias de l’ère de l’information permanente en ligne. Ce qu’il faut entendre par là, c’est que la mondialisation, au lieu de promouvoir les cultures et les langues venant du reste de l’Europe, notamment des nouveaux pays libérés du joug soviétique qui ont pu profiter du déferlement technologique « capitaliste », a favorisé l’expansion de l’anglais comme langue universelle et surtout le retournement des pays anglophones vers leurs semblables et principalement vers les États-Unis. Dans ce contexte, l’Europe fait à peine de la figuration dans la vision du monde 2.0 qui a conquis nos amis Britanniques, vue désormais comme un élément virtuel sans grand intérêt.
Si les Britanniques ont rivé leurs regards sur Canberra, c’est tout bonnement parce que les Australiens parlent anglais !
Tous ceux qui étaient dernièrement au Royaume-Uni ont pu profiter du déferlement médiatique sur les élections australiennes. Certes, on peut se dire que c’est important. L’enjeu est de taille, le Premier ministre en place, Julia Gillard, est pour l’instauration d’une République donc les Britanniques regardent d’un œil inquiet chanceler le rayonnement mondial de leur monarchie. Cependant, ceux qui pensent ainsi ont tort car si les Britanniques ont rivés leurs regards sur Canberra, c’est tout bonnement parce que les Australiens parlent anglais ! La rupture civilisationnelle du Royaume-Uni avec le reste de l’Europe a lieu car cette dernière n’est pas anglophone linguistiquement et culturellement, la communication entre ces deux éléments s’avérant compliquée voire impossible malgré les projets de coopération, notamment avec la France dans le domaine militaire (mise en commun de la dissuasion nucléaire et des porte-avions, sujet restant ô combien polémique car destructeur d’emplois en grande partie écossais, voir à ce sujet la Une du Times du 31 août 2010).
Ce désintérêt progressif pour le reste du monde non-anglophone se voit de plus en plus à l’école. Le nombre de jeunes britanniques choisissant d’apprendre notre belle langue ou de se tourner vers l’allemand, le russe ou l’italien décroit chaque année de manière inexorable. En fait, le Royaume-Uni se coupe de l’Europe et du monde en général parce que ceux zones ne sont plus intelligibles et leurs langues compréhensibles. L’internet et les chaînes d’information 24H/24 ont renfermé les Britanniques sur « l’anglosphère » qui n’est pas si grande que cela en fin de compte, risquant de mettre l’un des plus puissants pays au monde hors-jeu pour longtemps tout simplement parce qu’il se moque au plus haut point des autres qui sont par nature différents.
Nicolas Morizot – Sciences Po Aix ((L’opinion développée n’engage que son auteur et non pas la rédaction.))
Quelle civilisation, hormis l’anglo-saxonne de ce siècle, a jamais pensé clore l’histoire et devenir définitive, quantitativement supérieure au point de vue linguistique et culturellement prodigue ? Pourquoi pensent-ils que la Wifi dans le moindre café ou sur la plus petite place d’autobus est le sommet de la vie individuelle ? Tout ceci marche probablement sur du rêve, sur l’idée que la coutume se suffit à elle-même, surtout dans le système politique. Le Royaume-Uni a toujours été européen, avant même le Mur d’Hadrien, autant que sous les Plantagenêts ; culturellement hybride, il n’est pas économiquement autonome (Anvers, le Channel…), et ses avancées industrielles ont constamment eu besoin de l’Europe. Il a cru être mondial avec l’Empire de Disraeli et Victoria, avant de se résigner à une seconde puis à une tierce place dans les congrès diplomatiques. Désormais, il fonctionne sur un multiculturalisme mou qui ranime le jingoism du British National Party et de l’UKIP, pointes de l’esprit anti-européen partagé par les deux tiers du personnel politique. Avec le monde dans sa langue à portée de souris ou dans un même quartier multicolore, il est concevable de dédaigner le continent et de prôner sincèrement un retour au social concret (la big society). Mais je pense que le plus cruel est l’ensemble de désillusions à venir, quant aux fossés que les élites britanniques ne pensent pas à combler avec une population qui, de toute manière, se moque d’eux plus qu’elle ne s’en agace. Que peut l’Europe à 27 ? Cohabiter et se montrer aussi veule quant à la construction communautaire ? Ou bien revenir aux rues et aux places de villes pour lesquelles la paix depuis 65 ans (Irlande du Nord, Espagne, Campanie, ex-Yougoslavie et Roumanie mises à part) ne va pas d’elle-même, avec un coût et un sens possibles au-delà de ses frontières. Sais-tu ce qui m’inquiète le plus, Nicolas ? Nous sommes 495 millions de privilégiés, et nous sommes encore incapables d’éprouver autre chose que de l’indifférence, à l’anglaise…
1 – L' »euroscepticisme » est un concept inventé par les europhiles (agaçant, n’est-il pas ?) comme une pique et un terme péjoratif à destination des opposants à l' »UE ». En aucun cas la plupart des Britanniques ne sont eurosceptiques, ils sont seulement opposés à l’intégration « européenne », ce qui fait un monde de différence. On tente ici de stigmatiser une opinion dissidente, tout comme les dissidents ne sont plus écoutés au Parlement « européen », j’en veux pour preuve ces députés que nous payons pourtant grassement (et qui viennent de s’octroyer une belle augmentation, grâce à la hausse de nos contributions, en plus de jouir de taux d’imposition ridicules, d’écoles spéciales pour leurs enfants et de nous coûter plus d’un million d’euros chacun) qui se levèrent alors que Vaclav Klaus débutait une élocution sur le traité const… pardon, traité de Lisbonne. Les « eurosceptiques », a fortiori les « europhobes », sont une invention bien bruxelloise, tant ces termes tendent à faire de l’opposition à l’intégration une peur irrationnelle émanant de quelques vieux réactionnaires alors que l’opposition à ce projet, à cette folie des grandeurs, à cette gabegie est souvent le fruit d’une mûre réflexion et d’arguments tout à fait raisonnés. Que tu ne partages pas les points de vue des opposants à l’intégration, c’est-à-dire largement mes points de vue, je peux le concevoir, que tu recoures à l’usage de mots inexacts et péjoratifs pour décrédibiliser l’adversaire politique, comme pour l’enfermer dans une sphère de décontamination, au lieu de débattre avec des arguments, cela je ne l’accepte pas.
2 – Le gouvernement Clegg/Cameron est profondément europhile, un fait difficilement appréciable quand on se cantonne à la presse francophone comme la plupart des bons Franchouillards de l’Institut, mais indéniable. Notre ami « Cast-Iron » Dave avait fait la promesse de tenir un référendum sur le traité de Lisbonne, allègrement piétinée après la ratification de celui-ci et son entrée en vigueur le 1er décembre 2009, un événement qui fit le bonheur de notre cher Etonien. « Cast-Iron » Dave bâtit ensuite sa campagne électorale sur la promesse de rapatrier des pouvoirs de Bruxelles vers Londres (à l’instar d’un miséreux mendiant un quignon de pain pour sa pitance quotidienne) et de stopper net les prochains transferts prévus par nos apparatchiks bruxellois. Las ! notre ami Dave, tout d’acier trempé qu’il se prétend, fit encore une fois défaut à la Nation et tomba de son destrier immaculé (pardon, de son poney) ; loin d’arrêter l’hémorragie et la fuite vers la « quangocracy » belgo-centrique, il se fit fort d’y prendre partie après moultes embrassades avec la Grande Electrice Merkel, inclinant la tête face au bourreau de la démocratie séculaire britannique, acceptant avec grande couardise que son Parlement ait à rendre des comptes à la Commission devant désormais autoriser tout budget avant son entrée en vigueur, tandis que le service diplomatique « européen » (EEAS: European External Action Service en novlangue eurocratique) voyait le jour, faisant des ambassades britanniques à l’étranger une option et créant notamment un emploi pour l’ancienne nounou portugaise de son Altesse Sérénissime Manuel José Durao Barroso, ex-maoïste transformé en ennemi du peuple et apologiste de la réaction bourgeoise. Que dire encore des domaines où Dave promettait le rapatriement ? Le procès par jury, invention normande archétypale du Royaume-Uni, se meurt, le mandat d’arrêt « européen » viole Habeas Corpus, tandis que le système métrique remplace les mesures impériales. Cameron qui, encore pendant la campagne, notamment dans les débats télévisés, peinait à affirmer une idée quelconque concernant l' »UE » (le seul point qui semblait faire consensus parmi les candidats), parlant de manière vide : « in the EU, not run by it », il faudrait que ce grand monsieur nous explique ce qu’il entend par là, en tout cas, Cameron n’est clairement pas anti-européen, ou dans tous les cas, n’est pas opposé à l’intégration, car il a exprimé de la sorte sa volonté que son pays appartienne à l' »UE », en termes clairs et univoques. Quant à Clegg, l’idée qu’il soit anti-européen est tout bonnement risible, cela confine au pathétique. Clegg a été éduqué au Collège de Bruxelles, une usine à eurocrates bien connue, où tous subissent le même procédé immonde ; dialyse du foie, pompage de tout sang national et remplacement par une lymphe à l’origine de l’indolence, du flegme et de la paresse de ces pachydermes eurocratiques, lassés que les peuples européens ne voient pas à quel point ils sont génialissimes. Le même Clegg qui, trois ans auparavant, avec l’aide de son ami Vince Cable (le génie qui, voyez-vous, avait compris avant tout le monde que la crise arriverait, un autre illuminé libéral-démocrate), se faisait l’avocat de l’euro et prônait l’abandon de la livre, le même qui aujourd’hui, par pur opportunisme (car l’idée est devenue détestable, surtout au vu de la mauvaise tenue économique de la zone euro et de la remontée du commerce extérieur britannique au cours des derniers mois, rendue possible par une livre laminée, pour une immense majorité de Britanniques qui n’y tenaient déjà pas forcément avant la crise) a désormais abandonné (momentanément, j’imagine) ses desseins. Par ailleurs, les Liberal-Democrats sont le seul parti britannique qui soit ouvertement en faveur de l’intégration, sachant que le Labour et le « Conservative » Party ont tous deux d’importants pans opposés à l’intégration en leurs seins respectifs. Le seul parti authentiquement opposé à l’intégration et ayant un peu d’importance est UKIP (United Kingdom Independence Party). Tu te contredis d’ailleurs toi-même en mentionnant la mise en commun des moyens nucléaires, abandon du militaire, partie ô combien importante de la souveraineté nationale. Mais qu’importe, les Britanniques sont des « eurosceptiques » et donc, par conséquent, des ânes et il faut les éclairer et leur montrer à quel point l’ « UE » leur est bénéfique, notamment au vu des bénéfices obtenus par le biais de la PAC, les Common Fisheries (les chalutiers espagnols empiétant sur les zones de pêche britanniques), les contributions qui ont bondi cette année de 4 milliards de £, la réallocation des « réfugiés » mise en place par la Commission cette année pour garnir la France et le Royaume-Uni d’immigrés improductifs, il est vrai que ces deux pays en étaient déjà fort dépourvus, au plus grand contentement de l’Italie et de l’Espagne, sans parler des régulations géniales de la Commission : largeur des portes, vin rosé, nombre d’heures consécutives autorisées sur un tracteur, 48 heures hebdomadaires dans le milieu hospitalier, vente des œufs à la dizaine au lieu de la douzaine, autant de débats fondamentaux et absolument indispensables à la stabilité institutionnelle d’un Royaume-Uni qui devrait courber l’échine devant cet exemple de démocratie qu’est la Commission. Il est vrai qu’en matière de démocratie et de droits de l’homme, le pays de l’Habeas Corpus, de la Magna Carta, du Bill of Rights ne peut que s’incliner devant la Commission de Tous les Référendums Respectés, sans parler des commissaires élus par des parlementaires ne recueillant même plus la moitié des suffrages de l’ « Union ». Magnifique.
3 – La vision du monde des Britanniques que tu mentionnes est le seul point de l’article où je te rejoins vraiment, même si je n’en ai pas la même vision, en tant qu’anglophone et anglophile. En ce qui me concerne, je comprends parfaitement l’attitude des Britanniques ; pourquoi favoriser l’apprentissage de langues moribondes ? J’entends par là que les Britanniques ne veulent pas se lier (cela est très bien expliqué par Daniel Hannan sur son blog sur le Daily Telegraph en ligne) à l’ « UE », c’est parce que ce bloc est tout simplement moribond sur tous les plans : économique (ai-je besoin de rappeler les perspectives de croissance de la zone euro, ou plutôt le manque de celles-ci, la récente « euphorie » n’étant que le fruit de la relance de la machine à exporter allemande), culturel (masses abêties et en pleine braderie multiculturelle), démographique, militaire, même technologique (rapide rattrapage des pays dits émergents, sans même mentionner l’avance de nos concurrents développés) et surtout démocratique (je te crois assez honnête pour voir les évidentes dérives au niveau de la Commission). Le Royaume-Uni a bien plus à gagner en se découplant de l’ « UE » tout en continuant de commercer avec le Continent (avec qui il entretient un déficit commercial sur le plan commercial, soit dit en passant), se tournant plutôt vers le Commonwealth, comportant bon nombre de nations prometteuses et largement anglophones, sans parler des liens ethniques et culturels avec nombre de membres du Commonwealth, au premier rang desquels le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, trois nations qui se distinguent par leurs bonnes performances économiques et leurs indicateurs sociaux dans un Occident en crise. Cela est tout à fait logique d’un point de vue britannique. La vérité est que l’Anglosphère est un concept qui effraie les tenants de l’intégration, dans le sens où l’addition des économies américaine, britannique, australienne, canadienne, néo-zélandaise et un partenariat avec les anciennes colonies britanniques, notamment l’Inde, suffirait à détrôner l’ « UE » comme premier pôle commercial au monde, sans parler du PIB de cette zone ou de son étendue géographique, des critères que tu sous-estimes manifestement. Ensuite, le fait que l’élection australienne a beaucoup intéressé le Royaume-Uni est du non seulement aux liens culturels que tu as mentionné, mais également au fait que l’Australie et le Royaume-Uni partagent un même chef d’Etat, Sa Majesté Elizabeth II, que les deux principaux candidats sont nés au Royaume-Uni, que le résultat attendu était un « hung parliament », même situation que quelques mois auparavant au Royaume-Uni, etc. C’est faire un procès injuste que de dénoncer ces liens, naturels, alors même que la France se distingue par une promiscuité voyante avec le Québec et la Belgique, lesquels lui sont proches par des liens similaires. Par ailleurs, j’ai du mal à accepter de la part d’un Français la critique que les Britanniques ne s’y entendent guère en langues européennes, notamment lorsque l’on voit les niveaux en langues chez nous, y compris à Sciences Po. Bref, malgré le fait que je pense que tu résumes bien la situation sur ce point, je trouve quand même que c’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité.
« L’euroscepticisme » n’est rien d’autre que le terme permettant d’identifier les opposants à une intégration poussée de l’Union Européenne. Son origine ne m’intéresse pas en cela que, bien que cet terme soit éminemment péjoratif, il n’y a rien d’autre d’aussi clair et explicite. Par ailleurs, le « franchouillard » t’adresse tous ses respects du haut de la presse britannique (Times, Guardian and Co) et pas de la presse française. Enfin, je m’abstiens de soutenir ou non la forme actuelle de l’Europe, ne sachant choisir entre le pragmatisme et l’attachement national. Voilà qui est dit.
Pour ce qui est du gouvernement de coalition actuel, il est erroné de dire qu’il est europhile. Aucune des grandes figures sauf une (il me semble que c’est le ministre de la justice : ai-je tord ou pas ?)veut une Europe intégrée selon le modèle « franco-allemand » pour citer les pays à l’origine de cette vision. Cameron a des comptes à rendre à un parti qui n’est pas le plus chaud supporter de la construction européenne, même si les élans thatcheriens ne touchent pas tous ses courants internes comme les Français aimeraient le voir. Entre promettre un référendum instrumentalisé et porter à bout de bras le projet européen, il y a une différence que je ne doute pas que tu saches faire.
Pour ce qui est du caractère moribond de l’Europe, notamment pour tout ce qui relève de l’économie, je suis tout-à-fait d’accord avec toi. Néanmoins, tu ne pourras pas affirmer que le Royaume-Uni s’en sort mieux. Les menaces actuelles de « double-dip recession » ne se font entendre qu’au Royaume-Uni, pas en France ou en Allemagne qui possèdent des stabilisateurs automatiques bien plus efficaces même s’ils sont lourds et coûteux, entre autres pour la dynamique de la croissance de ces pays.
Pour ce qui est du militaire, la vétusté avancée des capacités britanniques n’est plus à démontrer. Elle est équivalente à celle du matériel français, résultant de manques flagrants d’investissements dans le domaine (pitié, je ne veux pas entendre parler de cette mocheté de Typhoon) et qui arrive en bout de course, posant des problèmes majeurs de stratégie (cf le débat sur les Tridents en ce moment).
Enfin, est-ce ma faute si l’école française est pénalisée par 40 ans de politiques de débilisation commencées par la gauche et poursuivies par la droite ? J’y consacrerai d’ailleurs (lorsque j’aurai le temps, c’est-à-dire pas tout de suite) un article.
Le Guardian est farouchement europhile, le citer n’est en aucune cas une preuve d’objectivité. Quant au Times, ce fut sans doute autrefois un journal de qualité, bien plus neutre sur la question (oscillant entre les europhiles et Rees-Mogg qui est un opposant convaincu au projet européen), mais sa qualité peut-être contestée ces derniers temps, notamment au vu de la publication de certains articles à peine dignes d’un torchon de campagne (en admettant que l’on puisse même parler d’articles, l’auteur de l’article en lien ci-dessous a également rédigé un article sur ses fantasmes sexuels incluant Gordon Brown et un simulacre de viol) :
http://www.timesonline.co.uk/tol/news/politics/article7069638.ece
Par ailleurs, l’accès au Times devient plus difficile du fait de la dernière mise en place d’une cotisation… Essaie plutôt le Daily Telegraph si tu souhaites un point de vue vraiment opposé à l’intégration. En tout cas, mon commentaire sur le fait que nos condisciples lisent pratiquement exclusivement la presse francophone (une situation encore plus ridicule lorsque certains veulent s’immiscer par ce biais dans les débats en cours aux Etats-Unis) ne s’adressait pas forcément à toi, mais concernait plutôt les préjugés qui endurent à l’IEP au sujet du Royaume-Uni, car les gens sont trop souvent incapables de raisonner autrement que dans une perspective franco-française.
Je n’ai pas dit que ce gouvernement était europhile, j’ai seulement mentionné l’europhilie de Nick Clegg, laquelle est franchement patente. Pour le reste, David Cameron n’a pas de point de vue sur la question (comme sur beaucoup d’autres sujets), si ce n’est celui de l’opportunisme et du mou consensuel, il tente de tenir en laisse la partie opposée à l’intégration de son parti, il y est relativement bien arrivé en réduisant notamment la résistance de William Hague, transformé en sbire obéissant au cours des derniers mois. Le thatchérisme est bien loin pour le Parti « Conservateur » qui est aujourd’hui en faveur, en vrac, de : l’union civile pour les homosexuels (y compris dans des églises), une politique molle sur la drogue (que Cameron entend libéraliser, lui qui en a tant profité dans sa jeunesse dorée), le crime (ne plus bâtir de prisons pour des raisons budgétaires, cf. Kenneth Clarke, don’t forget ‘hug a hoodie’), l’alcool, les « grammar schools » (dont le démantèlement a commencé sous Thatcher qui, je le rappelle, représente la rupture dans le Parti « Conservateur » qui est depuis devenu libéraliste de droite plus que conservateur, la démonstration logique ici : http://ozconservative.blogspot.com/2010/07/is-uk-country-or-company.html), l’hystérie réchauffiste, etc. Theresa May est effectivement en faveur de la construction européenne (de manière ouverte), mais elle est plus de gauche que conservatrice ; en faveur de la discrimination positive (parité et autres inepties), approche rhétoriquement dure et factuellement molle sur le crime, admiration de son prédécesseur travailliste, etc. Toujours est-il que ce gouvernement ne s’est pas opposé, contrairement à ses promesses, à une intégration plus poussée, notamment quant à l’intrusion de la Commission dans les budgets nationaux ou la mise en commun du nucléaire. Les antécédents de David Cameron sont suffisamment éloquents ; cet homme n’agira pas et sa complaisance coupable équivaut à acquiescer au projet européen au stade où nous en sommes, notamment dans une UE où plus de la moitié des Européens sont contre la poursuite du projet :
http://synonblog.dailymail.co.uk/2010/09/that-man-outside-your-house-every-midnight-barroso-the-stalker.html
Tu ne manqueras pas de te souvenir, comme tu lis la presse britannique (chapeau, car nous ne devons être qu’une poignée dans la promotion), que Cameron a affirmé son soutien explicite pour l’entrée de la Turquie dans l’UE. Si Cameron veut agrandir l’UE, c’est la dernière preuve implicite en date, s’il en fallait encore une, qu’il est bien en faveur du projet européen et se complait tout autant que la Commission dans son caractère antidémocratique lorsque l’on a en tête les opinions des Européens quant à la Turquie et son entrée éventuelle dans l’UE.
Je n’ai pas affirmé que le Royaume-Uni s’en tirait mieux, un simple coup d’oeil aux indicateurs de dette externe (combinaison de la dette publique et de la dette privée, des ménages et des entreprises) suffit à prouver le contraire, cependant, le Royaume-Uni devrait connaître une croissance plus élevée que la France l’année prochaine. La zone euro est plus moribonde que jamais et l’euphorie récente n’est que de la poudre aux yeux dans le sens où c’est la relance de la machine exportatrice allemande qui, tel Zeus de l’Olympe, remonte le reste des bras cassés qui composent cette zone. Oui, le Royaume-Uni est dans une situation économico-financière absolument déplorable : endettement des ménages, base industrielle faible, déficit budgétaire colossal, dette connaissant une croissance rapide (pour dire, elle a presque rattrapé notre niveau en partant de 42-44 % du PIB en 2007, alors que nous sommes déjà à plus de 77 % de notre PIB), secteur bancaire endommagé… Mais les chiffres du secteur bancaire sont déjà en claire amélioration, par ailleurs, la dévaluation de la livre devrait faire apparaître un excédent commercial l’année prochaine pour la première fois depuis treize ans. Mon propos visait plutôt à démontrer que le Royaume-Uni aurait bien plus à gagner à se tourner vers une Asie dynamique qu’un continent vieillissant et tellement décadent que les Européens se sont laissés réduire par une cabale de politiciens internationalistes. C’est d’ailleurs l’une des seules initiatives de Cameron que je salue réellement ; la mission envoyée en Inde pour établir un fort partenariat économico-commercial entre les deux pays. En revanche, la France ne se porte pas mieux que le Royaume-Uni à bien des égards ; je te rappelle que le Royaume-Uni est resté en deçà de la barre des 8 % pour son chômage alors que nous montions au dessus de 10 % et ce n’est certainement pas nous qui sommes sur le point de renouer avec un excédent commercial, pas lorsque l’euro est la copie conforme d’un Deutsche Mark piloté de Francfort, qui de plus est (on ne prit pas même la peine de farder cela). Le mythe des stabilisateurs automatiques, encore ! Cela fonctionne peut-être en Allemagne, mais je ne vois pas la France s’en sortir si bien que cela. Des pays comme l’Australie n’ont, peu ou prou, pas de « stabilisateurs automatiques » et s’en sortent amplement mieux, encore une fois, cela dépend des cultures respectives des pays en question, certains ont besoin de ces mécanismes, d’autres peuvent s’en passer. Par ailleurs, ces stabilisateurs économiques, tu l’as souligné, ont un coût considérable, si cela doit creuser les déficits (comme cela semble être le cas en France) et augmenter notre niveau d’endettement, autant dire qu’il s’agit d’une hypothèque de plus sur notre avenir, un bien mauvais marché pour les générations suivantes, dont la notre.
L’instrument militaire britannique est clairement en déliquescence, il suffit de voir la gestion (ou l’absence de celle-ci) de la guerre en Irak pour achever de s’en convaincre. Quant au Trident, je n’ai pas réellement d’avis là dessus, sans doute serait-il possible de faire mieux sans dépenser autant sur un tel projet. Pour autant, les forces armées touchent au coeur régalien des fonctions de l’Etat et, en tant que Français, je pense que mon pays devrait disposer de ses propres forces armées et ne pas être subordonné à un état-major étranger. Je ne suis pas contre la coopération militaire entre Etats ou les alliances, mais je refuse la fusion des états majors et la subordination de nos armées à Bruxelles.
Certes, sur le dernier point, tu as totalement raison ; l’école française est en déliquescence, c’est aussi le cas de l’école britannique (j’ai évoqué l’abolition des « grammar schools » plus haut). Ce que je critiquais est plutôt la fâcheuse tendance que je trouve chez beaucoup de mes compatriotes français à toujours essayer de placer la France au dessus du Royaume-Uni, alors que, très franchement, nous sommes dans le même bourbier et nos situations sont finalement assez similaires, à défaut d’être complètement identiques.
Finalement, nous sommes d’accord sur un certain nombre de points, excepté pour ce qui est de l' »euroscepticisme » du gouvernement britannique. En tout cas, nous aurons probablement bien plus de points de convergence si tu dois écrire un article sur notre « Fabrique du Crétin » pour paraphraser l’excellent Brighelli.